"ETRANGERS" ET CONSTRUCTIONS- "ESTRANGIERS" E BASTISONS
ETRANGERS ET CONSTRUCTIONS
On m'accuse à tort d'être opposé à l'installation d'étrangers au village ainsi qu'à toute nouvelle construction. Je ne devrais pas avoir à me défendre d'un bruit diffamatoire que font courir ceux qui y ont intérêt, mais je préfère que tout soit clair.
1) Les étrangers
Si nous étudions (comme j'ai sans doute été le seul pour l'instant à pouvoir le faire) les documents les plus anciens (donc en latin, dans un premier temps, puis en italien) concernant Lucéram, nous constatons que les familles des XII° et XIII° siècle ont presque toutes disparu pour être remplacées par de nouveaux arrivants, en provenance soit des villages voisins, soit de beaucoup plus loin. C'est un phénomène normal. Il est vrai que ce mouvement s'accélère, aggravé par l'exode rural (voulu par le pouvoir, comme je l'ai déjà dit) qui a vidé nos campagnes ; toutefois ce qui fait problème ce n'est pas leur nombre mais leur intégration. Sur ce point, cf. mon texte sur le lien social. Il se trouve que je suis le seul à leur proposer une participation à la culture locale : il ne sert à rien de critiquer l' « étranger » si nous ne sommes pas nous-mêmes conscients de ce qu'est la « lucéramitude » et si nous sommes incapables de proposer un socle commun susceptible de définir notre identité.
Cette intégration est facilitée s'ils habitent dans le village, mais reste plus malaisée s'ils s'enferment (ou si ON les enferme) dans un lotissement excentré ou dans un habitat pavillonnaire à l'abri derrière un grillage renforcé d'un brise vue (très prisé à l'heure actuelle où le mot d'ordre est : chacun chez soi, devenant vite : chacun pour soi). Il n'est pourtant pas impossible (heureusement) de faire participer les habitants des écarts à la vie du village (notamment au sein d'associations culturelles), mais il est vrai que l'absence de travail sur place handicape fortement l'établissement de liens plus étroits entre les habitants.
Mes propositions visent au contraire à favoriser l'intégration des étrangers en leur fournissant des informations (historiques, géographiques, linguistiques) sur le village où ils ont choisi de vivre ainsi qu'en cherchant à développer l'emploi. La composition de ma liste en est d'ailleurs la preuve.
2) Les constructions
Je m'appuie sur quelques constatations essentielles :
a) D'une part, la disparition des terres agricoles est un phénomène dramatique dont tout le monde risque de souffrir à brève échéance.
b) La crise, en s'aggravant, incite des chômeurs, chassés des villes, à pratiquer un retour à la terre (volontaire ou contraint) ou, du moins, à la ruralité, comme nous pouvons aisément le constater dans les pays du Sud de l'Europe. N'oublions pas que notre département est une région d'accueil pour les agriculteurs : ce « retour à la terre » nous concernera donc dans peu de temps.
c) La mode de l'habitat pavillonnaire nous est étrangère : les américains ont pu le faire car les terres ne leur ont pas coûté très cher (puisque volées aux indiens) ; d'ailleurs leurs agriculteurs ont laissé se dégrader le potentiel agricole de leurs champs pour lesquels ils n'avaient pas le même attachement que nos paysans (cf. le Middle West). De plus, la concurrence entre foncier immobilier et foncier agricole entraîne un certain nombre de graves conséquences :
- elle empêche le remembrement agricole, ce qui fait dire à certains que l'agriculture n'a plus aucune chance chez nous ;
- elle entraîne une hausse spéculative du prix des terrains, même de ceux qui ne sont pas constructibles dans l'immédiat et certains clients naïfs se font ESCROQUER sous la promesse que leur terrain DEVIENDRA constructible à brève échéance ; on ne saurait trop conseiller à ces acheteurs éventuels de demander au préalable un certificat d'urbanisme et de consulter les cartes affichées à la mairie ainsi que le(s) PPR (ainsi que de ne pas trop compter sur leur élection au conseil municipal pour rendre leur parcelle constructible);
- en faisant monter les prix, elle engage toute la population car elle provoque la hausse de la valeur locative qui joue sur les taxes foncière et d'habitation, au risque de voir les moins aisés (souvent des anciens à petite pension) ne plus pouvoir payer leurs taxes et se retrouver en maison de retraite après avoir vendu leurs biens ; il ne faut pas oublier le cas de l'île de Ré où des agriculteurs retraités se sont vus soumis à l'ISF car la valeur spéculative de leurs terres (la main invisible du marché à laquelle ose se référer le service fiscal d'un état de droit!) avait augmenté dans des proportions monstrueuses ; le jour (sans doute pas très éloigné) où le gouvernement décidera la révision (ils disent : « mise à plat » !) de l'assiette de ces taxes, tout le monde souffrira ;
- ces constructions dans les écarts, si elles sont trop nombreuses, finissent par revenir plus cher en voirie que ce qu'elles rapportent en impôts nouveaux : tentons seulement d'imaginer ce que coûterait un élargissement des routes du Mount et du Mortisson et l'augmentation de la dette et des impôts que cela entraînerait;
- si demain les habitants de ces écarts exigent l'eau et l'assainissement, c'est toute la communauté qui devra mettre la main à la poche (puisqu'il faudra s'en remettre au privé) et, une fois de plus, les moins aisés paieront pour les plus avantagés (en résumé : les + pauvres pour les + riches, ou les moins pauvres, tout étant relatif !)... à moins que la charge ne pèse uniquement sur ceux qui l'auraient demandé;
- tous les terrains réellement inconstructibles (pour des raisons géographiques) autour de ces habitations seront à l'abandon et entretiendront des incendies de plus en plus graves et fréquents ;
- enfin, toute action de chasse étant prohibée dans un rayon de 150 m autour d'une habitation (soit une superficie de 7 hectares !), les « nuisibles » (en priorité les sangliers, mais aussi les cervidés) vont pulluler et causer des accidents.
d) Que faire pour loger cet afflux de nouvelle population ?
- La première solution consiste en une réhabilitation d'urgence de tous les bâtiments à l'abandon dans le village (appartenant à des particuliers ou à la commune qui devrait donner l'exemple); si l'on ajoute à cela les appartements à vendre qui n'ont pas trouvé preneur à cause d'un prix excessif (30% trop cher selon un agent immobilier local), il y a là de quoi loger des dizaines de familles !
Rappelons à ce propos que les particuliers peuvent bénéficier d'aides substantielles de l'ANAH pour la restauration de l'ancien contre un engagement à louer à un tarif moins élevé.
- La seconde solution serait de restaurer tous les bâtiments ruraux, dont certains sont en ruine mais dont la situation et l'ancienneté témoignent en faveur de la qualité de leur emplacement.
- La troisième solution est tout à fait possible elle aussi (parfois en liaison avec la précédente) : construire des bâtiments d'exploitation et d'habitation pour des agriculteurs dans le cadre d'un remembrement. A l'heure actuelle, l'obligation de débroussailler (voulue par les assurances) concerne un rayon de 50 mètres autour de la maison, ce qui correspond à 7500 m2, mais on parle de la faire passer à 100 m, donc à 3 hectares ! Ne vaut-il pas mieux, dans ce cas, débroussailler chez soi plutôt que chez le voisin ? D'autant plus que, si ce dernier est un mauvais coucheur, la commune devra faire exécuter les travaux à VOS frais ! Certes, le remembrement n'est pas une opération de tout repos, mais quelle perspective de procès (au moins verbaux) quand on décidera de faire appliquer les textes sur le débroussaillement (le prochain incendie en sera l'occasion)! Ce remembrement peut être d'ailleurs progressif et se faire par petits achats successifs visant à homogénéiser les limites des propriétés, sans même faire intervenir la SAFER (ce qui est pourtant plus pratique et économique).
- Enfin, il ne faut pas éliminer toute possibilité de constructions nouvelles sous la forme de hameaux (comme la Plana) à condition de trouver un site non agricole, bien exposé (économies d'énergie), à sous-sol solide, facilement viabilisable et doté de ressources en eau.
- Je me permets toutefois de signaler que la dernière solution est celle qui aura le moins de chances de donner du travail aux entreprises locales.